Un dépotoir du XVIe siècle livre un riche mobilier archéologique à Rouen
12/11/2012
L’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) termine une fouille à l’angle des rues Verte et Pouchet, à proximité de la gare, à Rouen. Cette opération, d’une durée de deux mois, a été prescrite par le service régional de l’Archéologie (Drac de Haute-Normandie) préalablement à la réalisation du programme « 21 rue Verte » par Bouygues Immobilier. L’équipe d’archéologues, dirigée par Bénédicte Guillot, a mis au jour un immense dépotoir du XVIe siècle qui livre un mobilier archéologique riche et varié : céramiques, ossements, déchets d’artisanats. Ces recherches archéologiques offrent une opportunité unique d’enrichir les connaissances sur la ville de Rouen au XVIe siècle et d’étudier en particulier les modes de gestion des déchets mis en place à la fin du Moyen Age.
LES POUBELLES, TÉMOINS DU PASSÉ
Le terrain se situe au nord-ouest du centre-ville historique de Rouen, aux abords du château de Philippe-Auguste. Les archéologues y ont identifié un site destiné à recueillir les déchets des habitations voisines au XVIe siècle. Cet immense dépotoir, installé en dehors de la ville close, près du fossé longeant les fortifications, peut être assimilé à une décharge publique. Les déchets y sont entreposés en couches successives : gravats et matériaux de constructions, lits de cendre, rejets d’artisanat (dont de la tabletterie, de la métallurgie et de la tannerie), poches de mobilier (huîtres ou chevilles osseuses), niveaux sableux très riches en céramique, verre et ossements animaux, déchets organiques issus de fosses d’aisances, etc. Cette fine stratification indique que le dépotoir a été constitué par de nombreux apports réguliers de déchets en petite quantité plutôt que par quelques grands arrivages.
La diversité du mobilier archéologique exhumé reflète l’ensemble de la vie quotidienne de Rouen au XVIe siècle. L’abondante céramique domestique retrouvée sur le site (pots à cuire, plats, assiettes, etc.) apporte des éléments de datation ainsi que des informations sur les usages en cours. Elle témoigne de la co existence d’une production locale et de nombreuses importations, proches comme les céramiques de la région de Beauvais, ou plus lointaines avec des fragments de majolique italienne et hispano-mauresque. Ces pièces d’importation permettaient d’agrandir le vaisselier avec de la céramique plus luxueuse.
LA MISE EN PLACE D’UNE POLITIQUE DE GESTION DES DÉCHETS
Au XVIe siècle, la ville de Rouen est en pleine transformation. Elle est alors la ville la plus peuplée du royaume après Paris. La gestion des déchets est devenue depuis la fin du Moyen Age un élément important de l’administration municipale et royale; de nombreux décrets demandent à la population d’évacuer ses déchets hors de la ville ou contre les fortifications. Le site de la rue Pouchet est le résultat de cette nouvelle politique : les habitants, ou des ramasseurs professionnels, apportaient leurs résidus hors de la ville close, dans cette grande excavation qui atteint 5 mètres de profondeur. Là devaient se trouver des "chiffonniers" qui opéraient un premier tri parmi les déchets ce qui expliquerait la rareté en objets métalliques. En effet, si quelques petits objets en bronze (clef, boucle de ceinture, bouterolle, dé à coudre, épingles à cheveux, …) ou en fer (clous, boucle, …) ont été retrouvés, on note l’absence de grands objets ou d’outils usagés qui ont dû être recyclés. L’étude de tout le mobilier issu de la fouille, complétée par un travail sur les archives, apportera certainement un nouvel éclairage sur la problématique de la gestion des déchets dans les grandes villes au XVIe siècle.